L’atelier de Shuya Takahashi a accepté de recevoir l’artiste France Demarchi du 6 janvier au 6 mars 2014.
Pendant ces deux mois, le professeur Shuya Takahashi lui a enseigné les étapes pour réaliser une pièce de soie teintée avec la méthode appelée Yusen.
Pour suivre les étapes de l’apprentissage de France Demarchi, rendez-vous sur son blog !
Extrait du rapport moral remis à la Fondation par Mme France Demarchi
APPRENTISSAGE
Nous avons convenu de commencer par recopier un motif traditionnel de l’Atelier. J’ai choisi le détail d’un kimono de Maiko représentant des fleurs de cerisier.Les étapes principales qui m’ont étés enseignés sont :
1. ZUAN : on recopie à l’aide d’un feutre qui part à l’eau le dessin sur la soie.
2. ITOME NORI : le dessin est borduré d’une pâte indélébile à l’aide d’un cornet en cuire muni d’un embout en métal. Plus le trait est fin, plus l’artisan est expérimenté. Cette étape, appelée Itome nori, est extrêmement délicate et demande un savoir faire,de plusieurs années. Une fois l’étape d’Itome Nori terminée, la bande de soie est tendue sur une structure en bambou. L’arrière du dessin est tamponné à l’alcool. On défait la structure et plonge le tissu dans l’eau courante quelques minutes jusqu’à ce que la gomme devienne blanche. Suspendre et laisser sécher.
3. Fixer à nouveau les supports en bambou. Les zones qui ne seront pas teintées sont recouvertes d’un mélange de son, de riz et de sel. On saupoudre de sciure de cryptomère les zones terminées avant qu’elles ne sèchent. Vaporiser d’eau l’arrière du tissu 2 fois à 5 min d’intervalle, lorsque la pâte de riz est entièrement appliquée.
4. Tendre la bande de tissu entre 2 poteaux. Tamponner de nouveau l’arrière à l’alcool. Puis, passer à la brosse un mélange d’eau et d’algues « funori ». Une fois le mélange appliqué, une mini gazinière à roulette avance sous la bande pour « cuire »le mélange. 1 min environ. Laisser sécher.
5. Préparation et application de la couleur de fond. Un récipient rempli d’eau est constamment chauffé (l’eau ne doit pas bouillir). On mélange les couleurs jusqu’à obtention de la couleur souhaitée. Application à la brosse de la couleur de fond.
6. MUSHI : la cuisson à la vapeur. Emballer le tissu dans un rouleau de papier, lui-même emballé dans une longue bande de feutre. Le rouleau est placé dans un tube posé sur une casserole où l’eau est constamment portée à ébullition. Cuisson 2×20 min, on retourne le rouleau au bout de 20 min. Séchage. Laver le tissu à grandes eaux en brossant pour enlever toute la pâte de riz. 40 min en tout.
7. Préparation des couleurs et applications. Les fleurs de cerisier prennent forme. La technique de Yusen permet de faire de magnifiques dégradés, l’application est tout un art, la maîtrise des couleurs aussi… Etant peintre j’ai été beaucoup plus à l’aise dans la partie couleurs que dans celle d’application de la pâte de riz. Cette étape reste la plus difficile même pour les Japonais. Après quelques semaines à l’atelier de Yusen, je me suis rendue compte que certaines étapes incontournables me prendraient des années de pratique quotidienne sans assurance d’un résultat satisfaisant. Shuya Takahashi et moi avons donc commencé à réfléchir à une adaptation de la technique.
Le Yusen comporte plusieurs branches dont une, appelée NUREGAKI, peinture mouillée. Cette technique nécessite de maîtriser le SUMIE, la peinture à l’encre de chine, ce qui est mon cas. Parallèlement à la copie des fleurs de cerisiers j’ai donc réalisé ma propre création avec la technique Nuregaki. Elle était pratiquée par les ancêtres de la famille mais n’est plus utilisée aujourd’hui. La transmission de la technique a été en partie perdue. J’ai donc du expérimenter par moi-même les rendus du pinceau sur soie mouillée. J’ai d’abord réalisé une peinture à l’encre sur papier qui servira de modèle, puis une étude des couleurs. La première étape a consisté à appliquer sur la soie un dessin à l’encre de chine. Les étapes suivantes sont identiques à celles listées ci-dessus pour le Yusen.
La soie et le papier réagissant différemment, ce fut une première, aussi bien pour le dessin à l’encre que l’application des couleurs. Le résultat est encourageant.
La peinture réalisée à l’Atelier est un hommage aux divinités du temple Eikando de Kyôto symbolisés par : le pin, le temple, la montagne et la lune. Parallèlement à l’apprentissage du Yusen, j’ai expérimenté d’autres techniques de teintures grâce aux contacts de Shuya Takahashi.
J’ai tout d’abord rencontré Mami Adachi, tisserande de kimonos et professeur à l’université des arts de Kyôto. Mami a été mon guide et amie durant ce séjour.
J’ai eu la chance de passer une journée dansl’atelier de teinture végétale de Sarasa Yoshioka, la fille de M. Yoshioka, mondialement connu pour ses recherches sur la teinture et ses créations textiles.
Enfin, j’ai fait une journée de stage à l’atelier de teinture Tsujigahana de Takeshi Fukumura (le Yusen ayant supplanté le Tsujigahana il y 250 ans), où j’ai pu fabriquer un foulard en utilisant la technique des nœuds (shibori) :
Ces deux mois de stage ont été riches d’enseignement aussi bien sur le plan professionnel que relationnel. Je suis rentrée en France avec tout le matériel nécessaire pour continuer l’exploration du Yusen que je mélangerai à ma technique de base le Sumie (encre de chine). La technique qui sera développée est appelée Nuregaki, peinture mouillée, et permettra la réalisation d’une nouvelle série inspirée de ce voyage au Japon en vue d’une exposition en 2015."