« Plus que le matériel que nous offrons, je pense que la mobilisation que nous représentons est un encouragement fort pour ces villages à surmonter cette catastrophe. »
Pourquoi avez-vous créé Gambalo Japan ?
L’idée de créer une association, suite au tsunami survenu au Japon en Mars 2011, est assez personnelle. En effet, j’ai vécu le tremblement de terre de Kobe en 1995 qui a fait de nombreuses victimes et de gros dégâts matériels. Je n’ai jamais oublié l’importance de l’aide apportée par les personnes extérieures pendant les jours, les semaines voire les mois qui ont suivi le drame.
Bercés par le lien étroit qui uni les Bretons à la mer, nous avons développé, avec des amis japonais et français, étudiants, artistes, professionnels de la mer, ainsi que de nombreux bénévoles, cette idée d’aider les pêcheurs d’un petit village japonais et leur famille. De plus, nous souhaitions entreprendre un projet dont l’échelle était raisonnable par rapport aux moyens de l’association mais qui pourrait aider ceux qui risquaient d’être oubliés face à l’urgence de rebâtir les grandes villes. Après plusieurs appels de notre part, la coopérative des pêches de Tarou fût la première à nous répondre, nous indiquant ainsi leurs besoins. De ce contact est née l’idée de l’envoi des 150 équipements de sécurité pour faire face à la pénurie au Japon. Nous souhaitions également venir en aide aux familles et enfants qui vivent dans des gymnases, d’où la création d’un autre projet : le projet Genki.
A votre avis, pourquoi les Bretons et les Brestois en particulier, ont-ils été si sensibles à la détresse des pêcheurs japonais ?
Les Bretons sont des gens de la mer et beaucoup d’entre eux sont issus de familles de pêcheurs ou de conchyliculteurs. De plus, ils n’ont jamais oublié l’aide japonaise lors des périodes de grande mortalité d’huitres de culture : beaucoup de naissains d’huitres (sanriku oyster) avaient alors été exportés du Japon avec l’aide notamment des préfectures d’Iwate et Miyagi, touchées aujourd’hui par le tsunami.
Quelles ont été les premières réactions des personnes à qui vous avez présenté le projet ? Se sont-ils sentis concerné ?
Les premières personnes à qui nous avons présenté notre projet se sont senties très concernées et nous ont posé de nombreuses questions sur le tremblement de terre, le tsunami, le nombre de victimes et sur comment vivent les survivants qui ont tout perdu. Nous avons également reçu beaucoup de propositions d’actions à mener, mais la plupart étaient trop ambitieuses par rapport à notre structure qui n’avait que quelques jours d’existence. Toutes ces propositions démontraient néanmoins l’intérêt que les gens portaient à notre projet.
Qui compose Gambalo Japon ?
Notre association se compose d’étudiants, d’artistes, de chercheurs, de professionnels de la mer, ainsi que de nombreux bénévoles. Aujourd’hui près d’une centaine de personnes participent au projet de Gambalo Japan. Il est mené par un petit groupe très énergique qui fait avancer notre action.
L’aide est concrète, mais aussi fortement symbolique. Il s’agit de leur dire on ne vous oublie pas .
Comment s’est créé le lien de solidarité ?
En discutant avec les Bretons et en multipliant nos actions, nous avons créé un lien de solidarité. L’aide des médias nous a apporté une certaine reconnaissance et la sympathie du public nous a encouragés. Ensuite je pense que les idées et le projet que nous portons parlent d’eux même. Peut-être aussi qu’un lien culturel naturel (les mangas, les arts martiaux…) avec le Japon existe pour les générations des moins de 40 ans. Ces personnes sont attirées par le Japon en général et viennent naturellement voir ce que l’ont fait. Un autre point est le fait que notre action est concrète et directe vers les populations, sans intermédiaire. Seule une petite association comme la notre peut y arriver.
Quelles ont été les actions mises en place par l’association pour récolter des fonds ?
Les actions mises en place par l’association pour récolter des fonds ont été multiples : collectes de dons, ventes d’articles (produits japonais, Badges et T-shirts « Gambalo Japan », création d’artistes), vente de sushi, organisation d’un Concert de solidarité à Brest. Toutes ces actions ne se sont pas concentrées uniquement sur Brest mais dans toute la région Bretagne. Nous avons également démarché des entreprises et des fondations afin de récolter des dons supplémentaires. Internet est également un vecteur important de rassemblement et de communication.
Pouvez-vous estimer quelles sont les retombées sur place de votre opération ?
Notre opération a remotivé beaucoup de pêcheurs qui ont perdu leur bateau à continuer leur activité en partageant le matériel. Plus que le matériel que nous offrons, je pense que la mobilisation que nous représentons est un encouragement fort pour ces villages à surmonter cette catastrophe. C’est exactement ce que j’avais ressenti en 1995 à Kobe et ce que je souhaitais donner à mon tour.
Notre premier envoi d’équipement a permis à plusieurs pêcheurs de pouvoir reprendre leur activité de culture d’algues avant que ne commence la période de pêche du saumon au début du mois d’octobre. Notre second envoi qui devrait arriver début octobre permettra à quelques pêcheurs supplémentaires de prendre la mer.
« L’aide est concrète, mais aussi fortement symbolique. Il s’agit de leur dire “on ne vous oublie pas”. »
Avez-vous pu établir un contact avec la population japonaise de ces villages ?
Notre contact privilégié du village de Tarou est le directeur de la coopérative des pêches du village. Cependant nous avons des membres japonais de l’association vivant au Japon qui se rendent régulièrement dans le village afin de prendre des nouvelles et d’obtenir plus d’information sur leurs besoins.
« Nous avons conscience que l’élan de solidarité et la possibilité de récolter des dons sont limités aux premiers mois après la catastrophe. Plus le temps passera, plus il sera difficile de mobiliser de l’énergie. »
Quelles difficultés avez-vous rencontrées dans vos relations franco-japonaises ?
Toute association qui tente de mener à bien des actions d’ordre humanitaire est confrontée à des difficultés et nous ne sommes pas une exception. Cependant la seule difficulté rencontrée dans nos relations franco-japonaises fût la distance. En effet, la coordination d’action à distance est relativement difficile mais pas insurmontable, de plus, la plupart de nos membres actifs maîtrisent de deux à cinq langues dont le français, le japonais et l’anglais ; nous arrivons donc à communiquer sans rencontrer de difficultés majeures.
Comment voyez-vous l’avenir ?
Nous avons conscience que l’élan de solidarité et la possibilité de récolter des dons sont limités aux premiers mois après la catastrophe. Plus le temps passera, plus il sera difficile de mobiliser de l’énergie.
Mais si notre objectif principal est de continuer à mener des actions ciblées répondant aux besoins urgents des populations, nous souhaitons aussi suivre sur le long terme la reconstruction des zones détruites par le tsunami, et permettre aux habitants de rebondir en initiant des liens et des partenariats entre le Japon et la Bretagne, notamment sur les activités marines. Nous souhaitons également maintenir la communication avec les populations locales, et informer le public français de l’évolution de la situation sur place. Ne pas laisser les populations dévastées, seules dans cette épreuve, est très important.
Mme Bunei Nishimura Lavergne, septembre 2011