Comment est née votre maison d’édition Le lézard Noir et pouvez-vous nous dire quelques mots sur le choix du nom ?
Après deux voyages au Japon et passionné par la culture avant-gardiste nippone, j’ai décidé de me lancer dans cette aventure éditoriale avec comme dessein d’introduire auprès du public francophone des pans méconnus de la culture japonaise. Il y a derrière le nom même, inspiré par le roman d’Edogawa Ranpo, la pièce de Mishima et le film de Fukasaku, un goût évident pour le romantisme noir et décadent. Avec le temps, Le Lézard Noir s’est un peu assagi en développant un label jeunesse Le Petit Lézard et en éditant des livres plus classiques et grand public comme Anjin San de George Akiyama qui vient de paraître.
Quelle est votre politique éditoriale ? Comment choisissez-vous vos livres ?
J’essaie d’éditer des livres qui me correspondent, que j’aimerais lire et qui à mon sens comblent un vide dans le paysage éditorial français. Cela part d’un coup de cœur pour le dessin et la ligne graphique d’un artiste, ainsi que selon ce que les images m’évoquent. Il faut que cela attise mon imaginaire puisque je ne lis ni ne parle le japonais. Je demande ensuite avis à ma traductrice Miyako et à mon épouse, Japonaise, avant de m’engager plus avant.
Qu’est-ce qui vous motive dans l’édition ?
C’est un enrichissement humain qui permet de belles rencontres, de voyager, d’être au centre de l’information. C’est également un challenge de réussir à faire vivre une structure éditoriale en temps de crise de l’édition. Et puis il y a une certaine fierté à voir nos livres chroniqués ou sélectionnés régulièrement à Angoulême ou ailleurs.
Prenons l’exemple du livre de Sophie Cavaliero, c’était un pari risqué, qu’est-ce qui vous a motivé pour le faire ?
Déjà la motivation de Sophie qui est venu me présenter le projet à Poitiers sur recommandation de l’artiste Akino Kondoh dont j’avais édité deux livres. Nous avons longuement discuté du concept, du public visé. Il était important pour moi de toucher le plus large public et non pas uniquement les collectionneurs et les convaincus. Sophie maitrisait bien son sujet et je lui ai fait confiance en ce qui concerne le contenu. Nous avions déjà des artistes fétiches en commun et ses choix m’ont permis d’en découvrir de nombreux autres. L’ambition a été d’en faire un véritable livre d’art bilingue français-anglais afin qu’il devienne un ouvrage de référence, et pas seulement en France.
Quelques mots sur le catalogue de l’exposition Mangapolis …
Ce catalogue accompagne une exposition itinérante consacrée à la ville japonaise contemporaine dans le Manga, coproduite par les Maisons de l’architecture de Poitou-Charentes, Nord-Pas de Calais et la Cité de la Bande Dessinée et de l’Image qui sera présentée successivement à Poitiers, Angoulême et Lille. Il comprend les textes en version longue des cinq chapitres de l’exposition dont le commissariat est assuré par Xavier Guilbert du site de critique de BD www.du9.org, ainsi que des contributions de Marie-Ange Brayer, directrice du FRAC Centre, Adrian Favell, Claude Leblanc et Jessi Bi. C’est un bel ouvrage de 144 pages à la fois pointu et grand public.
Vous travaillez souvent avec des éditeurs japonais, quelles sont leurs attentes ? Avez-vous rencontré des difficultés particulières ? Avez-vous quelques exemples ?
Je n’ai pas l’impression qu’ils se soucient vraiment du marché français. Les difficultés sont d’ordre culturel. La culture d’entreprise, les us et coutumes, la barrière de la langue sont souvent un frein. En général, j’essaie de travailler avec de petits éditeurs ou directement avec les auteurs car pour faire un bon projet j’ai besoin d’un minimum d’affectif, ce qui est rare quand on travaille avec les gros éditeurs et leurs avocats qui préparent les contrats. L’édition, pour moi, doit rester un plaisir puisque ce n’est pas ma principale activité professionnelle.
Quels sont vos futurs projets ?
Ils sont nombreux : Anjin San, un manga bucolique sur les petits rien qui font la vie et inspiré par le bouddhisme ; un livre jeunesse sur le tour de France par le couple japonais Marini Monteany ; un livre sur la photographie japonaise sous la direction de Sophie Cavaliero dans la même collection que Nouvelle Garde et Mangapolis et bien d’autres encore…
En dehors de l’aspect financier, que vous a apporté la Fondation ?
Etre soutenu par la Fondation en dehors de l’aspect financier c’est déjà avoir en face de nous une structure reconnue qui s’intéresse à notre projet et qui est prête à prendre un risque avec nous. Nous vivons cela plus comme un partenariat et un accompagnement que nous espérons sur le long terme, que comme une chasse à la subvention.